A la suite d’événements dramatiques impliquant des malades mentaux, un certain nombre d’âneries sur la question ont été largement diffusées dans une opinion déjà surchauffée sur le thème « la France a peur ». Il est donc important et urgent de resituer les choses telles qu’elles se passent réellement, dans la vraie vie : cette réalité de la folie, médicale et pragmatique, paraîtra sans doute un peu terne, bien loin de celle spectaculaire et menaçante qui est mise en scène actuellement.
La schizophrénie, psychose chronique qui débute chez l’adolescent ou le jeune adulte, touche 1% de la population, soit près de 600 000 personnes en France. Ses causes demeurent pour l’essentiel inconnues. La déstructuration (et non le dédoublement) du psychisme perturbe progressivement les associations entre les pensées, et entre les émotions et les idées. Déroutantes pour l’entourage, des hallucinations notamment auditives (les « voix »), et des idées délirantes peuvent induire des comportements inappropriés, inquiétants par leur bizarrerie mais en réalité, très rarement violents. La dégradation progressive des aptitudes intellectuelles et affectives est plus discrète, mais très handicapante. La personne schizophrène habite un monde complexe, qu’elle ne comprend plus et qui lui apparaît volontiers menaçant, ce qui entraîne méfiance, isolement, et parfois clochardisation. La prise de conscience des troubles, plus fréquente qu’on ne l’a dit, provoque une immense angoisse, à l’origine de nombreux suicides.
Les soins psychiatriques proposés (parfois imposés, en situation de crise), visent à instaurer des liens de confiance durables avec les soignants, pour traiter les symptômes mais aussi préserver l’insertion sociale et familiale, les acquis, l’autonomie et au fond, surtout, la dignité du patient. Ce lien subtil permet la prévention, ou le repérage précoce, des crises délirantes, ce qui diminue le retentissement de la maladie pour l’individu - et donc son coût pour la collectivité. Les principaux moyens sont les médicaments (neuroleptiques, dont on a dit tant de mal…), les hospitalisations, y compris de courte durée ou à temps partiel (on parle d’un rôle thérapeutique propre de l’institution), la psychothérapie lorsqu’elle est possible, et un accompagnement social (reconnaissance du handicap, protection des biens…). Un certain nombre de malades schizophrènes atteignent une insertion professionnelle et conjugale heureuse, mais beaucoup mènent une existence difficile, vulnérable et appauvrie.